Coups sur Rayan, 19 ans, polyhandicapé. La justice lui répond : sursis

Pierre GUENNAZ

Marseille - Il ne parle pas. Il ne marche pas. Il ne voit pas. Mais il encaisse. Des coups. Des gifles. Des violences quotidiennes filmées par une caméra de vidéosurveillance, posée par une mère inquiète.

Rayan, 19 ans, polyhandicapé, a été frappé chez lui, à Marseille, par l'homme censé l'aider à vivre.


Mardi, au tribunal judiciaire, le parquet a requis neuf mois de prison avec sursis contre Dominique G., auxiliaire de vie. Une peine légère. Une gifle, cette fois, pour la famille.


"Ce n'est pas du sursis qu'il faut. C'est du ferme, et du soin. En prison." - Sana, la mère de Rayan

Dans les images, les coups pleuvent. Dans la salle du palais de justice, le silence tombe.

"Il lui frappait la tête comme s'il boxait", raconte la mère, la gorge serrée. Elle était là, au procès. Elle a vu les vidéos. Elle a protégé les yeux de son fils, couvert ses oreilles. Elle aurait préféré mourir que d'assister à ça.


Rayan est épileptique, aveugle, totalement dépendant. Il ne peut parler. Il ne peut se défendre. Il a été frappé pendant deux ans. Et pour ça, Dominique G., 49 ans, risque... du sursis.

Un auxiliaire sans défense. Vraiment ?

L'accusé plaide la "décompensation psychotique". Il dit ne pas se reconnaître sur les images. Il veut rester libre. Il veut suivre des soins. Il veut préserver son emploi.


Mais qui l'a embauché ? Comment un homme instable, non soigné, a pu entrer dans la vie d'un jeune garçon vulnérable, jour après jour, sans alerte, sans contrôle ?


C'est tout un système qui vacille. Celui de l'aide à domicile, sous-payée, sous-formée, sous-contrôlée.


Où les sociétés encaissent, les employé·es s'épuisent, et les bénéficiaires trinquent. Ou reçoivent les coups.

La justice valide-t-elle la violence sur handicapé ?


"On est consternés, choqués. Le handicap, encore une fois, n'est pas pris en compte", souffle Raouf, le beau-père de Rayan.


Le jugement est mis en délibéré au 10 juillet. Mais la confiance, elle, est déjà perdue.

"Notre seul espoir, c'était la justice. Elle est en train de nous enterrer."


Et la colère monte. Car dans ce pays, quand on frappe un chien, on risque de la prison. Quand on frappe un handicapé, on peut s'en tirer avec des excuses et un rendez-vous chez le psy. Est-ce que la justice

considère Rayan comme une personne ? Vraiment ?

Un drame isolé ? Non. Un symptôme.


L'APF France handicap appelle à un Grenelle de l'aide à domicile. Une urgence. Une nécessité.


"Ce drame illustre des alertes que nous lançons depuis des années", prévient Pascale Ribes. Formations absentes. Salaires minables. Embauches à la chaîne. Et personne pour voir venir la violence.


Pendant que certains rêvent de "réguler le CESU", dernier outil d'autonomie pour des familles abandonnées, d'autres regardent les vidéos d'un garçon sans défense frappé par l'un des seuls êtres humains qu'il croisait

chaque jour. Pendant deux ans.

Et aujourd'hui, la justice hésite : sanctionner ? Ou minimiser ?

Rayan, lui, ne peut pas dire ce qu'il ressent.

Mais dans cette salle d'audience, dans ces silences, dans les regards, il y avait un cri. Celui d'un garçon qui subit. D'une famille qui se bat. Et d'une société qui regarde ailleurs.


Un procès, un signal, un scandale

Ce qui s'est joué à Marseille dépasse le cas Rayan. Ce procès est un symptôme d'un système à bout de souffle, d'un modèle économique qui maltraite autant les aidants que les aidé·es.


D'un validisme structurel qui tolère l'intolérable dès lors que la victime ne peut ni crier, ni témoigner, ni se défendre.

Si vous croyez encore que ce cas est isolé, lisez l'article sur les aides à domicile. Il date de plusieurs mois, mais tout y est : la précarité, l'absence de formation, le mépris institutionnel. Une bombe à retardement qui explose, aujourd'hui, sur le corps de Rayan.


Et demain, sur qui ?

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