Aide à mourir : le vote de la douleur

Pierre GUENNAZ

La France avance. À petits pas. Parfois au bord du gouffre. Ce mardi 27 mai, après des semaines de débats aussi tendus que feutrés, l’Assemblée nationale a voté. Par 305 voix contre 199, les députés ont adopté un texte inédit : la création d’un droit à l’aide à mourir. Le premier volet, sur les soins palliatifs, a lui été voté à l’unanimité — 560 pour. Preuve que

l’accord sur la fin ne commence qu’avec la dignité.

Car c’est bien là que tout a démarré : garantir l’accès aux soins palliatifs sur l’ensemble du

territoire.


Une évidence sur le papier, une honte sur le terrain. En 2025, 20 départements français restent sans la moindre unité dédiée. Le texte prévoit la création de “maisons

d’accompagnement” : pour ceux qui ne peuvent plus rester à l’hôpital mais ne peuvent pas non plus rentrer chez eux. Il fallait commencer par là.

C’était l’élément non négociable.

Mais ce vote historique va plus loin. Il ouvre, sous conditions strictes, un droit à mourir. Un droit réservé à ceux que même les soins palliatifs n’apaisent plus. À ceux que le corps crucifie.


Cancers en phase terminale, pathologies incurables, douleurs insoutenables et réfractaires…


Le texte encadre : être majeur, résident français, conscient, libre, atteint d’une maladie incurable en phase avancée, et souffrir de douleurs que plus rien ne soulage.


Ce n’est pas un choix par défaut. Ce n’est pas un abandon. Seule la personne concernée

pourra faire la demande, validée par un collège médical.


Pas question de dérives économiques, sociales ou validistes. Ce droit n’est pas destiné aux personnes handicapées ou aux malades neurodégénératifs qui ne souffrent pas de douleurs réfractaires. Et c’est bien là que le bât blesse pour certains.

Les directives anticipées ? Rejetées. Car ce que l’on croit aujourd’hui intolérable ne l’est

peut-être plus demain.


Parce qu’en situation de vulnérabilité, la volonté évolue, se nuance. Il faut que la personne parle. En conscience. Jusqu’au bout. Et qu’elle puisse se rétracter jusqu’à la dernière minute.


Le texte est précis. La procédure encadrée. Le produit létal devra être auto-administré. Et si le patient en est incapable ? Un tiers pourra agir, mais seulement dans ce cadre. Une réunion collégiale sera obligatoire, avec des professionnels de santé impliqués dans le parcours du patient.


La décision, écrite et orale, devra être rendue sous 15 jours, suivie d’un délai de réflexion de 48 heures. On est loin de l’euthanasie expéditive.

Le texte doit encore passer au Sénat. Mais déjà, les clivages classiques ont volé en éclats. Une partie de la droite a voté pour. Une partie de la gauche a voté contre. Et dans les interstices, une angoisse sourde monte : que cette loi, conçue pour soulager, ne devienne un outil d’abandon social.


Car au fond, le problème n’est pas d’être dépendant. Nous le sommes tous. Le problème, c’est l’absence d’un système qui compense. Ce que la solidarité nationale devrait garantir — aides humaines, techniques, accès universel aux soins — s’effrite.


Et à défaut d’accompagnement,

certains en viennent à souhaiter disparaître.

Stephen Hawking ne parlait pas. Ne bougeait plus. Il a pourtant permis à l’humanité de comprendre l’univers. Faut-il le rappeler ? 


Vivre avec un handicap, ce n’est pas être condamné. C’est être empêché — par des murs, des déserts médicaux, des politiques indifférentes.

La loi Leonetti permet déjà de mettre fin à des souffrances. Le drame, c’est qu’elle n’est pas appliquée.


Faute de médecins formés. Faute de moyens. Faute de volonté politique. Alors, plutôt que renforcer l’accompagnement, on élabore un nouveau droit.


Pour mieux mourir, puisque mieux vivre semble trop cher. Il faudra rester vigilants. Parce que dans une France qui peine à soigner, à loger, à inclure, un tel texte peut devenir glissant.


Parce que certains, dans l’ombre, rêvent d’une société sans dépendants. Moins bruyants que les nazis, mais parfois tout aussi efficaces : les plus fragiles sont poussés à bout, jusqu’à demander eux-mêmes leur disparition.


Bienvenue en 2025. Le droit à mourir progresse. Mais la question n’est pas close : pourquoi tant veulent-ils partir ?

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