L'incendie en Charente n’est pas un drame, c’est une politique publique

Pierre GUENNAZ

Trois morts, deux disparus, plusieurs blessés. Et un État qui, une fois encore, fait semblant de tomber des nues. Il va falloir commencer à appeler les choses par leur nom : ce n’est plus de la négligence, c’est une maltraitance institutionnelle. Prévisible. Répétitive. Organisée.


Ce lundi 28 juillet 2025, au petit matin, un gîte accueillant des adultes en situation de handicap mental à Montmoreau (Charente) a pris feu. Quatorze personnes étaient présentes dans les lieux. Trois sont mortes. Deux sont toujours portées disparues. D’autres ont été hospitalisées, dont une en urgence absolue.


Et que nous dit l’État ? Que le gîte avait été contrôlé et validé il y a deux ans, que le feu est "probablement accidentel", et que l’on va bien sûr "tirer les leçons du drame". Tiens donc, comme à Wintzenheim en 2023, quand onze personnes avaient péri dans un gîte mal adapté, mal déclaré, mal sécurisé. Là aussi, on avait juré que "plus jamais ça".


Mais en réalité, rien n’a changé. Pire : l’État continue de signer des décrets qui enterrent nos droits sous des portes coupe-feu.

Du béton, pas de secours 

Depuis le décret n° 2025‑516 du 11 juin 2025, les habitats inclusifs, ces lieux de vie partagés pour personnes handicapées, doivent répondre à de nouvelles normes "sécurité incendie".


Sur le papier, ça fait sérieux : portes EI30, compartimentage, détecteurs de fumée interconnectés… De quoi rassurer un contrôleur CAF ou une ministre en visite. Mais au fond ? Aucune obligation d’installer des dispositifs d’évacuation pour fauteuils roulants.


Aucune zone de refuge. Aucun ascenseur d’urgence. Aucune consigne claire pour évacuer une personne paralysée à 4h30 du matin, dans un nuage de fumée. On sécurise les murs. Pas les humains.

Des lois votées les yeux fermés 

La loi “Bien vieillir” du 8 avril 2024, saluée à grands coups de tweets, avait ouvert la voie à ce décret. À l’époque, plusieurs élus  alertaient : “Et les personnes en fauteuil, on en fait quoi ?” Silence poli.


Les seuls à voter contre ou à s’abstenir furent quelques députés de gauche, du groupe LIOT et de rares sénateurs lucides.


Le reste ? Une majorité qui préfère voter des décrets creux que des moyens réels. Qui parle “inclusion” dans l’hémicycle, mais ne prévoit aucune ligne budgétaire pour la sécurité réelle des plus vulnérables.

Accessibilité : au bon vouloir du privé

Ce qui devait être une révolution de l’habitat inclusif se transforme en champ de ruines. Des “gîtes adaptés” ouverts sans vérification réelle, des normes qui se contredisent, une accessibilité laissée au bon vouloir de l’UFCV ou d’une mairie rurale.


Et pendant ce temps, les associations gestionnaires, bien assises sur leurs subventions, continuent à faire tourner la boutique, sans jamais remettre en cause le système.


Ces grandes structures se comportent plus en opérateurs immobiliers qu’en défenseurs des droits.

Leur rôle ? Gérer, encaisser, justifier. Mais surtout ne pas déranger les ministères.

Ce n’est pas un accident. C’est une politique. 

À force de maltraiter, de mépriser, on finit par tuer.


À chaque fois, c’est pareil : les pouvoirs publics pleurent, les préfets s’indignent, les ministres se rendent sur place pour “soutenir les familles”. Et puis, on recommence.


Aucune évacuation prévue. Aucune sanction pour les décisions absurdes. Une boucle mortelle bien huilée.

Ce qu’il faut dire. Ce qu’il faut faire. 

Ce n’est pas un incendie qui tue.

Ce sont des lois bâclées, des normes déconnectées, et une indifférence politique généralisée.


Il est temps d’exiger :

• Des obligations réelles d’évacuation pour les PMR dans tous les logements collectifs.

• La requalification des habitats inclusifs en ERP quand le public accueilli le justifie.

Des contrôles indépendants, réalisés avec les associations militantes, pas les gestionnaires.


Parce qu’en 2025, mourir brûlé dans un gîte labellisé “handicap” ne peut plus être une coïncidence.

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