Ascenseur : des économies qui montent !

Pierre GUENNAZ

Les ascenseurs inutilisables mais parfaitement aux normes

Oui, vous avez bien lu ! En France, il suffit d’un ascenseur, même hors service depuis des années, pour répondre aux critères de conformité. Peu importe qu’il ne monte ni ne descende.

Qu’il reste planté là, silencieux et inutile, est une formalité. Un coup de peinture sur la porte et le tour est joué : c’est aux normes !

La magie des réglementations françaises. une prouesse à la française, un modèle d’ingénierie bureaucratique.


Prenons la Seine-Saint-Denis, où 8 ascenseurs sont déconnectés du réseau électrique depuis des années.

Résultat ? Une mairie de quartier hors d’atteinte, et des habitants qui gravissent leurs escaliers comme d’autres enchaînent leurs séances de cardio, et une économie municipale qui s’élève à près d’un million d’euros sur 10 ans.

Et tout ça en toute légalité ! Un vrai génie budgétaire : pourquoi réparer quand ne rien faire coûte moins cher ?

Pas de bras, pas de chocolat, pas d’ascenseur, pas de problème

Mais qui sont les vrais perdants dans cette affaire ? Les personnes handicapées, bien sûr.

Heureusement, elles ne sont pas très nombreuses à monter au créneau, coincées comme elles le sont dans leurs appartements. "De toutes façons, elles ne sortent jamais, alors à quoi bon réparer ?", pourrait-on entendre dans les couloirs des administrations. Voilà une logique implacable : si personne ne se plaint, c’est que tout va bien.

Et pour les quelques râleurs qui osent s’indigner, il y a toujours l’argument imparable des pièces détachées. "On nous demande de stocker des pièces qui n’existent plus !"  s'étrangle Olivier

Rouvière, président de la Fédération des ascenseurs. Une excuse bien huilée, mais qui grince un peu.


Car selon les associations, ce n’est pas tant un problème de pièces que de volonté. Mais bon, pourquoi s’embêter à anticiper ? On préfère les devis qui traînent, les réparateurs qui ne se pressent pas, et les économies qui gonflent.


Après tout, pourquoi changer une équipe qui ne répare rien ?

Un modèle européen… à l’envers 

Pourtant, le contraste est saisissant avec nos voisins. L’Espagne affiche fièrement 23 ascenseurs pour 1 000 habitants, l’Italie 17. En France ? 8.


Mais attention, on ne fait pas dans la quantité, ni dans la qualité, d’ailleurs. Avec près de la moitié des ascenseurs ayant dépassé les 30 ans, on pourrait croire qu’ils sont de collection.


Mais non, ce sont juste des reliques du laisser-faire, fièrement entretenues par l’inertie.

Vous avez aimé le confinement ? Nous, c’est permanent 

Une utilisatrice en fauteuil roulant résume la situation d’un trait mordant :"Quand mon ascenseur tombe en panne, je suis enfermée chez moi. Vous avez aimé le confinement ? Nous, cela peut nous arriver à tout moment. Sauf que chez nous, ça ne finit jamais." 

Mais que voulez-vous, ce n’est pas comme si ces personnes allaient voter.


Alors, un ascenseur en panne, ce n’est pas une priorité. L’urgence, c’est de boucler les budgets, pas de les monter ou de les descendre.

Une proposition de loi… ou un escalier sans marche ? 

Le 23 janvier, une proposition de loi a été discutée pour obliger les entreprises à stocker des pièces détachées.


Une mesure qui semble utile, mais largement insuffisante. Car le vrai problème n’est pas seulement technique, mais bien humain : l’indifférence. Tant qu’il n’y a pas de sanctions, pas de délais imposés et pas de pénalités pour les retards, rien ne bougera.


Et les économies continueront de grimper pendant que les handicapés resteront coincés.


En attendant, les ascenseurs français continuent d’être une métaphore parfaite de la société : ça promet de monter, mais en réalité, ça ne bouge pas d’un étage.

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