Aidant et le business du handicap

Pierre GUENNAZ

La semaine des aidants : un business rentable pour les associations, un cauchemar pour les familles

Chaque année, la “semaine des aidants” met en lumière le travail titanesque de ceux qui, souvent dans l'ombre, prennent soin de leurs proches en situation de handicap. Pourtant, derrière ce moment de reconnaissance se cache une réalité plus sombre, celle d'un système défaillant, où les familles se sentent abandonnées.

Tandis que certaines associations engrangent des profits sur le dos de cette situation, les aidants, eux, s'enfoncent dans la précarité.

Les aidants familiaux : héros oubliés et sacrifiés

Être aidant familial, c'est souvent devoir tout sacrifier : sa carrière, sa vie sociale, et parfois même sa santé. Les mères, en particulier, sont en première ligne. Elles se retrouvent à porter seules la charge de l'accompagnement quotidien d'un enfant en situation de handicap.

Peu de solutions leur sont proposées, et la compensation financière offerte par l'État via la Prestation de compensation du handicap (PCH) est largement insuffisante pour couvrir la perte de revenus liée à l'abandon de leur emploi.


Ces femmes, qui cumulent un travail à plein temps non rémunéré, reçoivent en échange une aide financière symbolique, bien loin de compenser les sacrifices consentis. Cette situation génère une double peine : non seulement elles doivent renoncer à leur vie professionnelle et sociale, mais en plus elles sont condamnées à une précarité économique qui s’installe durablement. Leurs efforts, pourtant essentiels, restent invisibles aux yeux de la société.

Associations : l'argent avant l'humain

Pendant ce temps, un autre phénomène se joue dans l’ombre : le business de l’accompagnement des aidants.

De nombreuses associations, subventionnées par l'État ou les départements, proposent des services d’auxiliaires de vie.


Sur le papier, tout semble idéal : des professionnels pour épauler les familles. Mais dans la réalité, ces associations facturent jusqu’à 24 euros de l’heure pour un service souvent de piètre qualité. Les auxiliaires de vie, eux, sont payés au SMIC, quand ils ne sont pas sous-payés, et manquent cruellement de formation.


Ce qui devait être un soutien vital pour les familles se transforme donc en une source de frustration. Les intervenants, souvent mal formés ou inexpérimentés, ne répondent pas aux besoins spécifiques des personnes en situation de handicap, plongeant les familles dans un sentiment d'impuissance.


Les associations, quant à elles, prospèrent grâce à des marges généreuses sur le dos de l'argent public, tout en négligeant l'essentiel : l'accompagnement humain de qualité.

L’emploi direct : une fausse solution miracle

Face à ce système vicié, certaines familles tentent une autre approche : l’emploi direct. Elles embauchent elles-mêmes des aides à domicile, espérant ainsi contourner le monopole des associations et assurer un meilleur contrôle sur la qualité du service.

Mais là encore, le chemin est semé d'embûches. Trouver une personne compétente et formée est un défi de taille. La précarité des conditions de travail et le manque de formation spécialisée compliquent le processus.


Embaucher en direct, c’est aussi endosser la responsabilité de recruter, former et gérer les aides à domicile, ce qui représente une charge administrative lourde pour des familles déjà surchargées. Et même si cette solution semble parfois préférable, elle reste loin d’être accessible à tous. Le manque de soutien institutionnel pousse de nombreux aidants dans des situations intenable.

Quand le handicap devient un marché

En creusant plus profondément, on découvre que l’aide aux personnes handicapées et à leurs aidants s’inscrit dans une logique de plus en plus capitaliste. Derrière les beaux discours d'inclusion et de solidarité, se cache une réalité brutale : celle d’un marché lucratif où l'humain n'est qu'une variable d'ajustement. Les aidants et les auxiliaires de vie, souvent issus de milieux précaires, sont eux-mêmes les victimes d’un système qui ne les protège pas.


Tandis que les associations empochent des millions d’euros, les familles, elles, continuent de se débattre pour offrir à leurs proches une vie digne. Le système est dévoyé, et au lieu de soulager la charge des aidants, il contribue à leur précarisation.


Et maintenant ?

La semaine des aidants devrait être l’occasion de pointer du doigt cette situation intenable, et non pas de se contenter de belles déclarations vides de sens. Il est temps de réformer en profondeur l'accompagnement des personnes en situation de handicap et de leurs familles. Les aidants ne doivent plus être les victimes d’un système qui les exploite, mais les bénéficiaires d'un véritable sotien.


Cela passe par une revalorisation du salaire des aidants, un contrôle strict des associations, et une meilleure formation des professionnels de l’aide à domicile.


Si rien n’est fait, ce sont des milliers de familles qui continueront de sombrer dans la précarité, tandis que le système capitaliste de l’accompagnement au handicap prospérera. Un malheur pour les uns, un business juteux pour les autres.

Actualités sur la situation du handicap

par Pierre GUENNAZ 15 avril 2025
La droite et l’extrême droite, main dans la main contre le handicap
par Pierre GUENNAZ 4 avril 2025
Parole de témoins, décryptage, et plaidoyer pour une nouvelle vision sur la bipolarité
par Jérôme SOMMIER 7 mars 2025
La ville de Nice, dans le cadre du projet "Nice Art Santé" piloté par le Conseil Local de Santé Mentale, a organisé un colloque le 28 février 2025 à "L'Artistique". Lors de cet événement, il a été mis en avant l'innovation des prescriptions muséales : un dispositif qui consiste à prescrire des visites ciblées dans les 10 musées municipaux de Nice, en complément des traitements conventionnels de santé mentale. Nathalie Bondil (Directrice du département du musée et des expositions de l’Institut du Monde Arabe), pionnière de ce concept à Montréal, a présenté ses travaux, suivis des exposés de Marie-Pierre Nicola (référente Inclusion au Service des Publics des musées de Nice (responsable par ailleurs de Mars aux Musées) et Marion Vandenbrouck (coordinatrice du Conseil Local de Santé Mentale de la ville de Nice) qui ont détaillé l'application de ce dispositif niçois.  Egalement présents : • Patrick Mottard, Conseiller Municipal délégué au cinéma et au développement des nouveaux publics culturels, • Hélène Jacquart, Directrice des Musées • Barbara Prot, Conseillère Municipale subdéléguée à la prévention, à l'éducation à la santé et aux associations caritatives
par Pierre GUENNAZ 1 mars 2025
Un prix qui a du cœur
par Pierre GUENNAZ 24 janvier 2025
Les ascenseurs inutilisables mais parfaitement aux normes
par Pierre GUENNAZ 9 janvier 2025
Un exemple de plus d’un système pénitentiaire défaillant
par Pierre GUENNAZ 14 décembre 2024
Réforme du remboursement des fauteuils roulants : Un enjeu crucial pour les personnes handicapées
par Pierre GUENNAZ 5 décembre 2024
Citoyenneté et politique : une priorité pour l’inclusion
par Pierre GUENNAZ 16 novembre 2024
La conférence azuréenne d'Antibes Juan-les-Pins révèle des innovations de rupture
par Pierre GUENNAZ 3 octobre 2024
Juvénal disait " Du pain et des Jeux", pour Macron, c'est de la communication pour les gueux
par Pierre GUENNAZ 23 septembre 2024
Dans un monde où la lecture se limite souvent à l'usage de la vue, "Le Vénérable Mélèze" bouleverse les codes en offrant une expérience sensorielle inédite. Ce magnifique livre d’art, imaginé par Gilles Mottet et publié par l’Arboretum de Roure, redéfinit la manière dont nous interagissons avec un ouvrage, en engageant non seulement la vue, mais également le toucher, l’ouïe et même l'odorat.
par Pierre Guennaz 5 septembre 2024
Position de HandiNews sur les Jeux Paralympiques Madame, Monsieur, En tant que média engagé pour la cause des personnes en situation de handicap, nous tenons à vous faire part de notre position concernant les Jeux Paralympiques de cette année. Chez HandiNews, nous avons choisi de suivre ces événements de manière lointaine, voire très éloignée, pour plusieurs raisons. Tout d'abord, notre intérêt pour le sport, bien que réel, est secondaire par rapport à l'actualité sociale et politique qui touche directement les personnes handicapées en France. Nous constatons avec regret qu'en dépit de l'effervescence médiatique entourant les Jeux Paralympiques, les avancées concrètes en matière d'accessibilité et d'inclusion restent largement insuffisantes. Certes, la communication autour de ces événements est bien orchestrée, mais elle ne masque pas les réalités du terrain. En effet, alors que le gouvernement peine à se stabiliser et que la rentrée scolaire approche, nous ne pouvons ignorer les milliers d'enfants en situation de handicap qui se retrouvent déscolarisés ou mal pris en charge. Cette situation est alarmante et mérite toute notre attention. Nous considérons que la lutte pour une meilleure inclusion, pour un véritable accès à l'éducation, et pour une prise en charge digne des personnes handicapées doit rester notre priorité. Les Jeux Paralympiques, malgré leur visibilité, n'ont malheureusement pas réussi à transformer en profondeur les conditions de vie des personnes en situation de handicap en France. Les quelques initiatives, comme l'adaptation de taxis, semblent plus être des solutions temporaires, des pansements sur des plaies béantes, plutôt qu'un réel engagement durable. Le monde entier a pu observer le manque de considération de la France envers ses citoyens en situation de handicap. C'est ce constat, douloureux mais nécessaire, qui motive notre choix de ne pas mettre en avant les Jeux Paralympiques, mais plutôt de continuer à militer pour des réformes concrètes et efficaces. Nous vous remercions de votre compréhension et restons à votre disposition pour toute discussion supplémentaire. Sincèrement, Pierre guennaz
En lire plus...