La palme d’or 2023 est un drame familiale mué en film de procès, une décortication méthodique du couple que Justine Triet a écrite en collaboration avec son propre mari, Arthur Harari à qui l’on doit le surprenant Onoda et qui est récemment apparu dans un autre film procédurale présenté à Cannes : Le procès Goldman.
Parmi les protagonistes d’Anatomie d’une chute, il y a Daniel, un garçon de 11 ans atteint de cécité, magnifiquement joué par Milo Machado-Graner. Afin d’alléger au mieux le travail déjà bien exigeant de Milo, Triet va opter pour un personnage mal voyant, donc pas totalement aveugle. L’ironie de l’histoire c’est que Daniel est montré comme le témoin capital de l’affaire qui va ou non condamner sa mère. Il est éminemment très perturbé par la mort suspecte de son père et par tout ce qu’on raconte sur ses parents, leurs relations houleuses notamment. Nous spectateurs devenons les yeux de Daniel et nous assistons à sa détresse, à ses questionnements.
La première fois qu’on le voit c’est dans une scène d’ouverture qui plante habilement les enjeux, entre la musique trop forte du mari à l’étage, une interview qui commence par un jeu de séduction puis vire au cauchemar, et bien sûr Daniel qui lave son chien avant de sortir le promener.
Perdu au milieu des montagnes enneigées, le corps rachitique de Daniel arborant ses lunettes noires crée un contraste saisissant entre l’immensité des lieux et la vulnérabilité du protagoniste. Il est entouré d’une lumière blanche aveuglante, pourtant il parvient à trouver son chemin grâce à son chien, qui tout au long du récit va le guider. Que ce soit littéralement ou à son insu pour révéler un secret de famille.
Anatomie d’une chute brasse divers sujets : la culpabilité, la tromperie, le déracinement et les faux semblants. Daniel est malgré lui, le catalyseur de toutes ces problématiques, de par le contexte qui as entraîné son handicap, de par sa position compliqué d’enfant unique incapable de savoir si sa mère est responsable de ce dont on l’accuse. A moins qu’elle ne soit comme lui une victime collatérale des circonstances.
L’aveuglement est un symptôme dont souffre chacun des acteurs concernés par le dossier. La mère qui refuse d’admettre qu’elle doit son succès à son époux ou les avocats des différents parties qui défendent corps et âmes leur conception de la vérité, aveugle à tout autre possibilité que celle qui les arrange.