Adapté d’une nouvelle de Stephen King, Peur Bleue fait partie de ces nombreuses séries B qui ont pollué sur nos écrans durant les années 80/90 suite au succès grandissant de l’écrivain américain. Certes Peur Bleue souffre d’un manque de budget et d’un réalisateur talentueux capable d’offrir mieux que ce qui s’apparente à un honnête téléfilm du dimanche soir. Mais ce qui nous intéresse ici est la caractérisation de son héros : un adolescent paralysé des jambes. Rare sont en effet les films de fiction mettant en scène un protagoniste luttant contre une force démoniaque, en l’occurrence un loup-garou, sans qu’il ne puisse se mouvoir.
Que ce soit conscientisé par Stephen King ou Daniel Attias, Peur Bleue ressemble au célèbre mythe de David contre Goliath, le petit contre le géant, chacun étant prisonnier de son propre corps. L’antagoniste ne peut pas empêcher sa transformation les nuits de pleine lune et Marty n’a d’autre choix que de vivre avec ce fauteuil, comme si c’était un prolongement de son être.
Marty nous est d’abord introduit par une voix off, celle de sa sœur aînée, parfaitement valide, Jane. Après nous avoir rapidement expliqué que nous étions dans son souvenir, qu’elle faisait partie d’une petite communauté, on aperçoit en gros plan le visage de Marty. Impossible de deviner la nature de son handicap à ce stade du récit. Le réalisateur nous fait d’abord croire que Marty est un enfant trop couvé par ses parents et qu’on oblige Jane à s’occuper de lui, ce qui l’agace fortement. Un plan large suivi d’un léger zoom arrière après que Jane soit tombée dans une blague, révèle la situation dans laquelle se trouve Marty.
Au départ la diminution physique de l’adolescent est traitée comme un fardeau, pas tant pour lui que pour sa sœur dont on suit le point de vue. Puis arrive une scène qui va tout changer, où au volant de son fauteuil customisé Marty essaye d’échapper à son poursuivant. Daniel Attias met en image cet affrontement qui joue sur deux tableaux, c’est à la fois une poursuite tendue sur une route boisée entre un jeune garçon et un terrible monstre, c’est aussi une métaphore sur les usages de la mécanique. Si la technologie permet à Marty de se déplacer, de vivre correctement, entre de mauvaises mains, elle devient une arme.
Si artistiquement le film à ses défauts, et que certains acteurs surtout l’interprète du loup-garou en font des tonnes, la représentation que fait Peur Bleue de l’handicap, transformant peu à peu son héros fébrile en guerrier sur roulette est suffisamment rare pour être soulignée et mérite qu’on se penche plus en amont sur cet oeuvre méconnu et parfois mal aimé. Corey Haim qui nous a quitté en 2010, a su malgré son âge, saisir la mélancolie de son personnage, sa détresse vis à vis de Jane et son courage face à une créature innommable.